« Etudes au lycée de Reims, très mauvais élève, pratiquement mis à la porte en janvier 1913 »
La
Dissipation
Sa famille ayant déménagé à Reims, c’est au seul collège de Reims—qui est devenu aujourd’hui le Lycée Georges Clémenceau—que le jeune Georges Bataille commence sa scolarité. Et il semble qu’elle se soit fort mal passée : en janvier 1913 (il a alors 15 ans), il quitte l’école, ayant été « pratiquement mis à la porte ». Les premières lignes de sa notice autobiographique concernent cette expérience désastreuse, la résument en quelques phrases lapidaires.
On
retrouve dans Le Petit une
autre évocation de cet abandon. Bataille y affirme que la décision
d’arrêter l’école était la sienne : « un
beau matin de décembre, j’avais prévenu mes parents hors d’eux
que je ne mettrai plus les pieds au lycée. Aucune colère ne changea
ma résolution. »
Sans
se contredire tout à fait, les deux formules ne semblent pourtant
pas dire exactement la même chose. Si elles sont tout à fait
rigoureuses, cela signifierait que fin 1912, il ait fermement décidé
d’arrêter de suivre les cours, et qu’il n’aurait été mis à
la porte, ou invité à partir, un mois après.
La
notice nous
informe de la suite. Il a vécu alors plusieurs mois d’inaction,
jusqu’en octobre. Période semble-t-il entièrement occupée en
longues méditations, en lectures et en promenades à vélo. Il
reprendra ses études au Lycée d’Eperney. Il y entrera
« volontairement
comme pensionnaire »,
ce qui lui permettra d’échapper en partie à son environnement
familial. Ce n’est qu’alors qu’il devint un bon élève.
Toute
sa scolarité avant cela avait été, apparemment, plutôt médiocre.
Ce qui expliquerait parfaitement son refus de poursuivre ses études
ainsi que son renvoi. Bataille écrit en effet, dans sa Méthode
de Méditation :
« A
treize ( ?) ans, toutefois je demandais à un camarade quel
était, de l’étude, le plus paresseux : c’était moi ;
mais de tout le lycée, moi, encore. En ce temps-là, je me rendais
la vie difficile, faute
d’écrire sous la dictée.
Les premiers mots du professeur se formaient docilement sous ma
plume. Je revois mon cahier d’enfant : je me bornais bien vite
à griffonner (je devais me donner l’air d’écrire). Je ne
pouvais le jour venu faire un devoir dont je n’avais pas écouté
le texte : sous les punitions redoublées, je vécu longuement
le martyr de l’indifférence. » (page
210)
Ce
passage de l’article Art
primitif, écrit en 1930
pour sa revue Documents, offre un complément plus détaillé :
« Personnellement,
je me rappelle avoir pratiqué de tels griffonnages : je passai
toute une classe à badigeonner d’encre avec mon porte-plume le
costume de mon voisin de devant. Je ne puis me tromper aujourd’hui
sur le sentiment qui m’inspirait. Le scandale qui en résulta
interrompit une béatitude du plus mauvais
aloi.
Plus tard, je pratiquais le dessin d’une façon moins informe,
inventant sans trêve des profils plus ou moins comiques, mais ce
n’était pas n’importe quand ni sur n’importe quel papier.
Tantôt, j’aurais dû rédiger un devoir sur ma copie, tantôt,
j’aurais dû écrire sur un cahier la dictée du professeur. »
Pratique qu’il met en parallèle dans cet article avec les dessins
que les enfants abyssiniens faisaient sur les colonnes et les portes
des églises.
Un
élève Sérieux
Il
semble qu’il se soit mis plus sérieusement au travail une fois
pensionnaire à Eperney. Il écrit dans sa notice
autobiographique
(OC VII, p 459) qu'il y « devient
alors bon élève ».
Il y obtient d’ailleurs son premier Baccalauréat en 1914. Sans
doute un effet de l’éloignement par rapport à son foyer.
Cependant, il ne faut sans doute pas y voir un changement radical de
son attitude et de son comportement, si toutefois il faut en croire
le court passage du bleu
du ciel dans lequel il
raconte s’être longtemps ennuyé et s’être, un soir,
automutilé :
« je
me rappelais ceci de déprimant. J’avais été pensionnaire dans un
lycée. Je passais les heures d’étude à m’ennuyer, je restais
là, presque immobile, souvent la bouche ouverte. Un soir, à la
lumière du gaz, j’avais levé mon pupitre devant moi. Personne ne
pouvait me voir. J’avais saisi mon porte-plume, le tenant,
dans le poing droit fermé, comme un couteau, je me donnais de grands
coups de plume d’acier sur le dos de la main gauche et sur
l’avant-bras. » (page 454)
Bien
sûr, ce passage est un passage de roman, mais comme il le dit de
l’histoire de l’œil,
ce roman très certainement n’est « qu’en
partie fictif ».
Son personnage, Troppmann a en effet de nombreuses similitudes avec
Georges Bataille et l’on peut reconnaître dans les autres
personnages des personnes de l’entourage de l’auteur. Cet ennui
et cette mutilation peuvent très bien être eux aussi des souvenirs
que le personnage emprunte à l’auteur.
Georges
Bataille devint plus sérieux encore par la suite, obtenant son
Baccalauréat de philosophie par correspondance. A l’école des
Chartes, où il entre en 1918, il se révélera être un élève
brillant qui forcera l’admiration de tous.
Sources
et Citation
Michel
Surya : la
Mort
à l’œuvre.
Editions Seguier.
Georges
Bataille : Le
Petit. Editions
Pauvert.
Georges
Bataille : Histoire
de l’œil, L’Anus Solaire,
L’art Primitif,
O.C tome premier. Editions Gallimard.Georges
Bataille : Notice
autobiographique, O.C.
VII. Editions Gallimard.
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