menu

vendredi 5 avril 2013

Glossaire

Les glossaires, lexiques et dictionnaires, tels que les publient les éditions Ellipses, sont des outils pratiques. Semble-t-il. En tout cas, on ne peut imaginer un site dédié à un penseur qui ne donnerait pas un ensemble de définitions : cet outil coûte peu et aide beaucoup.

Mais trop s’y fier trompe. Ce serait oublier que les mots ne sont pas seuls dépositaires de leur sens, et que leur fréquente utilisation par un penseur les rend plus glissant que les mots communs du langage ordinaire : un tel abus, en effet, les transforme. Les mots deviennent concepts, notions ; abîmes de significations auxquels on doit y regarder à deux fois avant d’en dire quoi que ce soit. Ces mots tirent leur sens de ce qu’ils signifient ordinairement, du problème posé que ces mots aident à résoudre, d’intentions plus cachées de l’auteur, enfin, des mots qui les entourent. Ce qui fait qu’on ne peut donner de définition univoque, valant pour chaque occurrence, et ce pour quelque auteur que ce soit. Mille nuances, mille subtilités qu’aucun glossaire ne peut révéler.

Ce glossaire doit donc être lu avec les précautions qui s’imposent, et ne peut remplacer une lecture attentive des textes eux-mêmes.

Mais encore, on aurait tort de croire détenir une pensée en en maîtrisant les principaux termes. Comme le dit Deleuze, une pensée est une île immergée de la vaste mer du langage et du monde, qui en stabilise une région, laissant le reste dans une totale indistinction. C'est-à-dire qu’une pensée n’est pas une collection, mais une topographie. Les liens qui unissent les concepts entre eux, les concepts avec les problèmes, les concepts avec les intentions de l’auteur, ainsi qu’avec tout ce qui reste tu, toutes les permutations que l’on peut imaginer entre ces termes, sont plus essentiels encore que les définitions pour comprendre la pensée d’un auteur dans ce qu’elle a de dynamique et d’opératoire. Ainsi, ce glossaire n’est-il qu’une aide, un ensemble de jalons, bien insuffisants, qui laissent encore à faire tout le travail qui permettrait de rendre compte en profondeur de la pensée de Georges Bataille.
Chose que l’œuvre et que les commentaires font pour nous, indépendamment de nous.


Il nous semble impossible de palier un tel défaut, qui est presque un constat d’inutilité.


Un dernier mot encore :

« Conséquence de la solitude. — « Autour de tout esprit profond grandit et se développe sans cesse un masque grâce à l’interprétation toujours fausse, c'est-à-dire plate, de chacune de ses paroles, de chacune de ses démarches, du moindre signe de vie qu’il donne. »

(Par delà bien et mal, 40)

Cette citation de Nietzsche que Bataille donne dans son Expérience intérieure (O.C. V p 180) servira de mise en garde finale : toute vulgarisation prend le risque d’ouvrir à de telles lectures simplifiées et plates, et un glossaire et sans doute de toutes les vulgarisations celle qui mène le plus directement aux lectures les plus étriquées.
Nous ne pouvons que prier nos lecteurs d’aller toujours au-delà de ce qui sera dit.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire