Il est nécessaire de
dire en premier lieu le principal défaut du choix auquel nous nous
sommes résignés. Nous présentons la biographie de l’auteur sous
la forme d’une chronologie, ouvrant vers des chapitres détaillant
les événements. Cette chronologie donne une égale importance à
des événements qui mériteraient un éclairage plus plastique qui,
loin de tout lire sur un même plan, donnerait aux événements
déterminants une amplitude plus large et une plus grande place,
enfin, une présence plus convaincante, laissant dans une ombre
relative les événements secondaires.
C’est une des raisons
majeures qui font que ce site jamais ne pourra prétendre se
substituer aux différents ouvrages biographiques existant. Ceux de
Michel Surya en tête.
Une autre est que l’on
cherche ici à dépouiller au maximum les événements des
réflexions, ou des parallèles avec l’œuvre qu’ils appellent
par eux-mêmes (exception faite des événements méconnus ou
rarement interrogés). Cette section du site est donc à lire à
titre indicatif, et comme base de données, et comme compléments aux
ouvrages (de Bataille lui-même, des commentateurs), qui mettent en
lien le biographique, le romanesque, le philosophique.
—
Le découpage en périodes
n'est pas exempt de gratuité non plus. Il essaye de coller à une
certaine objectivité, articulant les différentes périodes à
partir de faits marquants ou de tournants visibles et indéniables.
Choix qui s'attache aux différences, aux changements, aux
revirements, niant quelque peu la profonde continuité qui demeure
intacte derrière ces évolutions, évolutions importantes mais qui
ne concernent que les intentions les plus manifestes et la rédaction
de ses essais. Ce découpage laisse donc au second plan ce qui
pourtant n'est pas qu'anecdotique, ce qui pourtant est tout aussi
important : le travail d'écrivain, la rédaction de romans, de
récits, de nouvelles, de scénarii, qui eux appelleraient assurément
un tout autre découpage, voire interdiraient tout morcellement.
Ce choix, pour
discutable, presque intenable qu'il soit, nous a pourtant paru
inévitable. D'autres auraient été possibles. Peut-être
souhaitables.
Présentation des différentes période
Enfance et période de formation (1897-1922)
Cette période court de
la naissance à la présentation de la thèse et à l’obtention du
poste de bibliothécaire stagiaire à la BNF, c'est-à-dire à son
entrée dans la vie active. Les liens avec le contexte y sont
distants, et ce dernier n’est donné qu’à titre indicatif. Les
liens avec la vie littéraire et artistique semblent pratiquement
nuls, et ceux avec le contexte politique rapidement résorbés dans
l’individuel et le familial, ce qui ne sera plus le cas par la
suite.
C’est lors de cette
période qu’il forge son caractère, son tempérament et
qu’apparaissent l’essentiel des éléments qu’il exploitera
plus tard au cours de ses livres et de ses recherches. C’est à
cette période en effet qu’apparaissent l’essentiel des motifs et
thèmes qui apparaîtront dans son œuvre.
Période d’engagements et temps des revues (1922-1939)
Cette période s’ouvre
sur l’entrée dans la vie littéraire, la découverte de la
philosophie, de la sociologie et de la psychanalyse, et sera
caractérisée par une attention anxieuse et soutenue au monde qui
l’entoure. Contexte littéraire déjà, avec ses relations
houleuses, hostiles parfois, avec le surréalisme, et surtout son
inquiétude face à la montée du fascisme dans toute l’Europe et
son intérêt passionné pour la politique et les affaires (scandales
et crimes) qui marquent l’opinion publique. Il s’engagera
d’ailleurs sur les deux plans, à chaque fois par l’intermédiaire
d’une revue : « Documents » d’une part,
« Contre-attaque » de l’autre. C’est une période
aussi où il constituera un grand nombre de groupes, et où il en
traversera beaucoup, preuve d’une effervescence à cette époque
qui ne connaîtra pas son pareil par la suite : plusieurs
cercles littéraires surréalistes, cercle communiste démocratique,
collège de sociologie, séminaires à l’école des hautes études,
société de psychologie collective, société secrète, tous lieux
de regroupement avec les ethnologues, les sociologues, les
psychologues, les écrivains, les artistes, les penseurs politiques,
dont il se nourrit et qu’il accompagne, écrivant essentiellement
des articles, donnant des conférences. Cette période s’achève
sur la dissolution des derniers groupes et revues, sur son désintérêt
et son dégoût pour la politique, moteur pourtant de cette période,
sur la rédaction du Coupable et donc de ce qui deviendra par
la suite la Somme Athéologique, et surtout elle s’achève
l’année au cours de laquelle la seconde guerre commence, dernière
preuve de l’intimité pendant cette période entre l’existence de
Bataille, sa pensée, et le contexte politique et historique.
La Somme Athéologique et la parenthèse mystique (1940-1945)
Cette période est la
période qui couvre la seconde guerre mondiale, cette « drôle
de guerre » que Bataille vivra dans un désœuvrement et une
solitude lourde et maladive. Elle s'ouvre sur la rédaction du
journal en temps de guerre de Bataille, Le Coupable, qui est au moins
en partie une rumination autour de la mort de Colette Peignot. C'est
la période pendant laquelle il se ressaisit de tout son parcours, de
ses 20 dernières années de vie, sous les catégories particulières
du Sacré, du mysticisme, de l'expérience intérieure, porté en
cela par la publication des ouvrages d'Angèle de Foligno et sa
découverte des méthodes de méditation bouddhistes. Mais ce détour,
n'est, assurément qu'un détour : le mysticisme ne l'intéresse
qu'en tant qu'il lui permet de parler d'autre chose : langage,
poésie, révolte, par d'infinis détours, par une écriture
fragmentaire et pathétique autant que rigoureuse.
Elle s'achève évidemment
avec la fin de la guerre.
L'économie générale contre les guerres possibles (1946-1953)
Dès la guerre finie,
Georges Bataille ne fait plus mention de ses recherches précédentes
sur l'expérience intérieure, la méditation et le mysticisme. Tout
cela est derrière lui. La guerre finie, une nouvelle période
commence, avec le lancement très rapide de sa nouvelle revue,
Critique, et avec l'élaboration d'une nouvelle « somme »,
la Part Maudite, principalement laissée en friche et non publiée de
son vivant, ensemble d'essais qui marque un changement dans le style,
plus clair, plus scientifique, dans la manière d'exposer les idées,
plus argumentée et rationnelle. Mais le changement le plus important
concerne surtout les ambitions que Bataille poursuit alors :
ambition avérée dès les premiers textes de donner une théorie
qui, appliquée, devrait permettre aux hommes d'éviter les guerres
futures.
Cette période s'achève
avec l'abandon de la rédaction des deux tomes inachevés de la Part
Maudite : Histoire de l’Érotisme et La Souveraineté.
Le déclin des force et les « essais bilans » (1954-1962)
Une fois La part Maudite
abandonnée, et avec les deux livres d'art publiés par Albert Skira,
le Manet et le Lascault ou la naissance de l'art, Georges Bataille
publie en moins de dix ans un ensemble d'essais qui constitueront la
forme la plus aboutie de sa pensée et de son élucidation ;
ouvrages qui sont comme les bilans successifs de tous ses travaux
précédents, ressaisis ici de manière synthétique, serrée et
claire. Les ouvrages, pour les plus célèbres, sont d'ailleurs soit
des refontes de travaux abandonnés, L'érotisme, qui reprend pour
l'essentiel L'histoire de l'érotisme, soit d'articles publiés
depuis 1945, comme c'est le cas de La littérature et le mal. Enfin,
d'une certaine manière, l'exposé le plus clair et le plus
intéressant de sa pensée se trouve dans l'introduction qu'il a
donnée au Procès de Gilles de Rais, qui, d'une certaine manière,
expose d'une manière vive et rapide ce qu'il dit dans la
Souveraineté.
Le dernier ouvrage auquel
il travailla, Les larmes d’Éros, texte qui devait s'accompagner
d'un grand nombre de photographies et de reproductions d’œuvres
d'art, atteint, dans sa concision et sa précision une force qui a
tout point de vue aurait été l'accomplissement de son œuvre, pour
ce qui peut se dévoiler d'elle par le versant érotique.
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